Le GIGN dans le viseur

Critique athlétique de
L’Intervention (Fred Grivois, 2019)

Au beau milieu d’une plaine désertique, un bus scolaire. Pris entre deux feux, à la frontière entre la Somalie et Djibouti, les enfants et leur institutrice sont piégés, pris en otage. Autour de cette plaine, s’organise non sans mal une jeune équipe d’intervention de la Gendarmerie Nationale, bien décidée à se fixer un objectif inédit : régler la situation sans faire le moindre mort.

Sprint

Pour son second film (après La Résistance de l’Air, 2015), Fred Grivois s’inspire librement de cette opération de 1976 à l’origine de la création du GIGN. Mais L’Intervention ne cherche pas à glorifier les militaires, ou à faire le biopic de l’un d’entre eux. Priorité à la dramaturgie, à l’action, aux corps souffrants, au suspense, suivant une temporalité courte – quelques heures à peine – sans jamais se perdre dans le grandiloquent. Au contraire : c’est un film qui va à l’essentiel, afin de retranscrire la difficulté d’une telle manœuvre. Il fait du rythme sa principale force.

Resserrant sa narration sur un temps relativement court, privilégiant une unité de lieu, le film fait converger les trajectoires des personnages vers un seul et même point, donnant un objectif clair et unique. En une heure trente, et pas une minute de plus, c’est un véritable marathon, tant pour le déroulement narratif que pour les personnages, plongés dans l’urgence d’un mode opératoire qu’ils maîtrisent mal. Chaque action, chaque tentative palpitante et saisissante, tire sa force d’un montage dynamique et efficace. Une chaleur aux couleurs ocres se dégage de l’image, mêlée de poussière et de sueur : la situation est inextricable, et il n’y a pas une minute à perdre.

Endurance

L’Intervention ne laisse pas de place au superflu, ne se perd pas en intrigues secondaires inutiles. Mais pas de précipitation pour autant. C’est une guerre de positions, où chaque action est mesurée avec prudence. Le marathon est aussi une affaire d’endurance, de gestion de son temps et de sa condition physique. Fred Grivois prend le temps de filmer les corps tendus de son équipe de gendarmes, postés avec des fusils sniper, visant les preneurs d’otages. Une chaleur étouffante, une fatigue progressive, des hallucinations furtives, une poussière omniprésente… L’Intervention s’éloigne volontairement du film de guerre pour tirer du côté du western, mettre en scène une sorte duel à longue distance.

Alban Lenoir, principal duelliste, livre une interprétation en retenue. Laissant l’humour à ses compères, il prouve une nouvelle fois, après son rôle de skinhead repenti dans Un Français (Diastème, 2014), sa capacité à incarner un rôle fort et en nuances. Des plans serrés sur ses yeux se multiplient tout au long du film : Lenoir observe, vise ; et dévoile simplement ses émotions au fil de l’opération, de la détermination froide à la profonde détresse.

Ligne d’arrivée

L’Intervention se constitue donc en western, marqué par une hybridité apportée par une touche seventies. Les quelques notes d’humour introduites grâce à l’équipe accompagnant Lenoir donne à l’ensemble un côté “Agence Tous Risques” lorgnant vers le buddy movie – autrement dit, un film sur une équipe de choc. Ce choix, manifestement en hommage au genre, joue parfois en la défaveur du film – dont l’horizon est d’empêcher la mort, même celle des criminels. Cette légèreté déréalise en effet les événements, les rend moins graves, et l’enjeu en pâtit.

De plus, l’objet central du film – le sauvetage des enfants – paraît s’effacer. Hormis un ou deux jeunes un peu plus identifiables que les autres, les écoliers sont représentés par leur institutrice, porte-parole de la cause défendue prenant finalement toute la place. On en oublie un peu le but de la manoeuvre, focalisée sur les preneurs d’otage. Bien que cela soit explicitement le propos du film – à travers le dialogue d’un personnage, ne se souciant que la cible – la narration un peu trop légère a bien du mal à traiter cette problématique. Si bien que, une fois le marathon achevé et le bilan dressé, la scène finale a beau nous laisser le souffle court, elle donne le sentiment frustrant que l’impact aurait pu être infiniment plus grand.

A propos
Affiche du film "L'Intervention"

L’Intervention

Réalisateur
Fred Grivois
Durée
1 h 38 min
Date de sortie
30 janvier 2019
Genres
Action, Drame
Résumé
Inspiré de faits réels. 1976 à Djibouti, dernière colonie française. Des terroristes prennent en otage un bus d’enfants de militaires français et s’enlisent à une centaine de mètres de la frontière avec la Somalie. La France envoie sur place pour débloquer la situation une unité de tireurs d'élite de la Gendarmerie. Cette équipe, aussi hétéroclite qu’indisciplinée, va mener une opération à haut risque qui marquera la naissance du GIGN.
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