Intra-terrestre

Les altérités dans Arrival de Denis Villeneuve (2016)

« Je ne connais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, […] et il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles »

DESCARTES René, Les Principes de la philosophie, IV, 1644, art. 203.

 

Après un court prologue présentant un montage de plans contemplatifs avec une voix-off énigmatique, Arrival (Denis Villeneuve, 2016) entre dans le vif de son sujet avec une deuxième séquence relativement typique des films de science-fiction, appartenant au sous-genre de l’invasion extra-terrestre. Louise Banks, professeur de langue à l’université, se rend à son lieu de travail dans le but de donner un cours à ses étudiants. Dès son parcours dans les couloirs de la faculté, quelque chose semble clocher. Les autres silhouettes humaines sont arrêtées dans leurs activités, stoppées dans leur mouvement dès lors qu’elles passent devant un écran. Indifférente à ces évènements, Louise gagne néanmoins son amphithéâtre, et s’étonne tout d’abord du peu d’étudiants présents. Elle débute le cours en indiquant le sujet du jour, mais sa voix est rapidement concurrencée par les divers sons qu’émettent les téléphones ou ordinateurs des jeunes. L’enseignante s’agace, ne comprenant pas la cause de telles perturbations ; une élève lui demande alors d’allumer la télévision dissimulée derrière le tableau, en choisissant une chaîne d’informations. L’affolement des journalistes contraste avec le calme de cette université comme mise hors du temps, et l’explique tout à la fois puisque les médias annoncent la cause d’un tel bouleversement du quotidien : des extra-terrestres auraient été découverts sur terre.

L’invasion, extra-terrestre ?

Jusqu’ici, le film reste donc dans un procédé scénaristique très convenu de la science-fiction, apprenant au spectateur comme au personnage principal l’arrivée des aliens par des médias affolés, une nouvelle qui se répercute dans l’environnement du personnage en modifiant les comportements de son entourage. La singularité de l’approche du genre dans Arrival est ailleurs : elle se situe dans la représentation de l’alien qui, loin d’être montré comme une altérité radicale, trouve son étrangeté dans une affiliation constante à l’environnement terrestre. C’est en effet ce que démontre le design des « heptapodes », créatures a priori venues de l’espace, mais qui combinent en réalité plusieurs caractéristiques des espèces marines ou terrestres, de la pieuvre à l’araignée en passant par l’étoile de mer. Cette affiliation se développe également dans le vocabulaire qu’emploient les personnages pour nommer ces êtres singuliers : le terme « heptapode », duquel le scientifique Ian les baptise, fait beaucoup penser aux noms employés par les zoologues pour classifier les espèces terriennes, contre le qualificatif plus générique d’extra-terrestre que l’on utilise habituellement dans les films de science-fiction.

Un vaisseau géologique

Il en va de même pour leur vaisseau, baptisé « coquille », terme qui se rapporte là encore aux êtres vivants peuplant la planète bleue. Mais pourtant, si le design de l’objet rappelle en effet l’environnement terrestre, c’est en faisant moins référence au biologique qu’au géologique. L’objet est d’abord brièvement présenté par l’intermédiaire de chaînes d’information, qui diffusent des images sombres, peu lisibles. Il faut attendre près de vingt minutes de film pour le voir clairement, lorsque Ian et Louise arrivent sur le site du Montana en hélicoptère. Alors montrée en plan large au petit matin, la coquille est cette fois clairement visible ; mais elle a peu à voir avec la débauche technologique et l’abondance de ferraille, qui caractérisent généralement les vaisseaux spatiaux dans les films de science-fiction.

Bien au contraire, celui de Arrival se présente sous la forme d’un objet ovoïde monumental, de couleur anthracite, ce qui l’apparente plutôt à un galet démesuré de roche noire comme le basalte. Plus encore, le vaisseau évoque certains monuments géologiques ayant des morphologies similaires, comme le dôme volcanique du Paluweh en Indonésie, ou encore la montagne granitique du Pain de Sucre au Brésil. Cette similitude se trouve par ailleurs accrue dans ce plan par la présence d’une langue de brouillard, qui vient occulter la base de la coquille en rendant invisible le mince espace qui la sépare du sol. Ainsi, le vaisseau semble comme émaner de la Terre elle-même, ou reposer sur cette dernière au cœur de l’espace naturel du Montana, comme s’il avait toujours été là. Un peu plus tard, lorsque les personnages vont pour pénétrer à l’intérieur du vaisseau, Ian pose sa main gantée sur la surface de l’objet, rugueuse, dont les aspérités rappellent encore une fois les consistances de certaines roches. Dès lors, le vaisseau des heptapodes ne semble pas être fait de matières manufacturées par une technologie étrangère, mais apparaît au contraire comme étant constitué de roches naturelles bien terrestres.

De la roche à l’atmosphère

Et la suite du déroulement de ce premier contact ne fait qu’accentuer cette impression. Lorsque l’équipe des personnages entre à l’intérieur de l’objet, les murs du tunnel qu’ils empruntent ainsi que l’antichambre où ce dernier les mène, présentent des figures verticales régulièrement espacées. Ces motifs strient les parois noires comme pour mettre en évidence une stratification rocheuse, ou bien encore pour évoquer des orgues basaltiques, figures géologiques que l’on retrouve un peu partout sur le globe. Le son participe également à cette affiliation, puisque lors des quelques séquences où des éléments du vaisseau sont mis en mouvement (les cloisons qui se referment lors de l’explosion manigancée par des militaires par exemple) la bande son accompagne ces événements par des bruitages qui évoquent une fois encore le minéral, comme si deux dalles de pierre coulissaient en émettant un son de friction.

Enfin, lorsque Louise accède à l’espace vaporeux où se meuvent les heptapodes, un gros plan sur ses pieds montre la surface sur laquelle elle se tient : un parterre de couleur blanchâtre, constitué de petites cloisons verticales qui s’entrecroisent aléatoirement pour former des alvéoles. Là encore, le design de cette surface peut évoquer les figures hexagonales qui se forment au sol dans les déserts de sel, lorsque certains cristaux surélevés par rapport aux autres érigent des lignes s’entrecroisant régulièrement.

De plus, la brume qui entoure les heptapodes dans cet espace tisse un lien avec les langues de brouillard aperçues lors de l’arrivée des personnages sur le site du Montana, renforçant ainsi le rapport entre ce milieu étranger et le terrestre. Et si l’on ne montre jamais l’arrivée des douze coquilles sur terre, leur départ est en revanche bien représenté : ces dernières ne s’en vont pas vers un ailleurs spatial, mais se dissolvent tout simplement dans l’atmosphère, se transformant en brumes sans que l’on sache vraiment si elles quittent la Terre ou se diluent dans sa matière. Du début à la fin du film le design du vaisseau adopte donc, à toutes les échelles, un mélange de références géologiques ou atmosphériques de notre planète. On peut ainsi douter de l’origine extra-terrestre des heptapodes.

Perte de repère

La question de la pesanteur joue également un rôle clé dans cette évocation du terrestre, d’abord par l’usage de panoramiques verticaux qui vont du haut vers le bas, partant toujours d’un plafond pour aller vers l’horizontal. Ce type de mouvement, repérable dès l’ouverture du film, a pour effet de traiter le plafond comme un sol, confondant le haut et le bas comme si le second n’était pas vraiment étranger au premier, mais plus une autre manifestation de ce dernier. D’ailleurs, lors de la première visite de Louise et Ian dans l’antichambre de la coquille, un panoramique vertical brouillera d’autant plus les pistes que l’image est en fait renversée, montrant les personnages se déplaçant sur la partie supérieure du cadre, comme si le plafond était effectivement devenu un nouveau sol.

Plus tôt dans le film, un plan suggérait la même piste en montrant l’équipe de chercheurs se rapprochant pour la première fois du vaisseau, l’échelle adoptée ne permettant pas de voir la coquille dans son intégralité. Seule restait visible sa base, lévitant à quelques mètres du sol, comme une deuxième planète à portée de main des personnages. Et tout leur trajet vers l’antichambre ne sera qu’une question de pesanteur, puisque la variation de gravité leur permet de marcher perpendiculairement au sol pour gagner leur objectif. Cette première séquence de rencontre avec le vaisseau le traite donc comme une figure d’altérité par rapport au monde terrestre. Mais cette différence ne sera plus vraiment montrée dans le reste du film, le montage passant ensuite directement du camp militaire à l’antichambre, sans montrer le trajet qui mène de l’un à l’autre. La différence de gravité entre la Terre et le vaisseau n’étant ainsi plus explicitée par l’orientation des personnages dans le cadre, on oublie progressivement cette pesanteur variable comme si les deux mondes ne devenaient qu’un. Dès lors, on peut penser que la différence de gravité d’abord mise en évidence n’est en réalité qu’une question de perception, et que la figure d’altérité initiale ne se révèle finalement pas si différente à mesure que le contact s’établit avec la coquille.

Les hommes, étrangers sur Terre

Parallèlement à cette évolution, le rapport qu’entretiennent les humains avec l’environnement naturel est lui aussi marqué par un changement entre le début et la fin du film. En effet, si l’on a pu voir que la coquille s’intègre parfaitement bien à l’environnement naturel du Montana de par son affiliation au terrestre, on ne peut cependant pas en dire autant des humains, tant ces derniers semblent initialement coupés de leur propre planète.

Artificialité

Dès le départ, l’université où enseigne Louise est présentée comme un lieu des plus artificiels. L’amphithéâtre est constitué de panneaux en bois synthétique ou en contreplaqué, comme on peut en trouver dans les grands magasins d’ameublement bon marché ; et les bruits de notifications des appareils électroniques qui viennent sans cesse l’interrompre, ne font qu’accentuer la distance avec la nature. Il en va de même lors de l’arrivée sur le camp militaire : vus de l’extérieur, les tentes et les containers forment des allées parfaitement perpendiculaires, bien artificielles dans le cadre naturel de la vallée du Montana où l’on se trouve. Sur ces allées, des militaires évoluent de manière robotique, avançant en ligne d’un pas identique, la face inexpressive. L’intérieur des locaux est par ailleurs constitué de bâches en plastique blanc, orange ou vert, qui là encore détonnent autant avec l’environnement naturel qu’avec l’intérieur minéral du vaisseau des heptapodes. Et si ce vaisseau semble fonctionner comme un biotope, les espaces manufacturés par les êtres humains sont au contraire assimilés à toute une débauche de technologies, qu’il s’agisse de l’abondance d’écrans d’ordinateurs à peupler les intérieurs du camp militaire, ou bien des véhicules que les Hommes utilisent pour se déplacer à l’extérieur : hélicoptères, tanks et SUV dernier cri sont bien loin d’évoquer le terrestre. Ainsi, Arrival opère dans sa première partie un renversement entre les figures d’aliens et d’humains tels qu’on les représente généralement dans le genre de la science-fiction : les terriens deviennent des étrangers sur leur propre planète.

L’hostile nature

C’est ce que nous indique par ailleurs l’usage que les Hommes font des combinaisons orange dont ils s’habillent lors de leur première sortie, rappelant aussi bien l’équipement des cosmonautes que celui des scaphandriers, ou encore les tenues utilisées par les vulcanologues pour se rendre sur des volcans en éruption. Bref, tout un attirail destiné à faire survivre les êtres humains là où les conditions ne le permettent pas a priori, et dont la couleur orange détonne avec le vert luxuriant des pâturages du Montana. Ce qui suggère que le milieu naturel en question pourrait ne pas leur être adapté.

C’est aussi ce que semble indiquer le trajet en hélicoptère de Louise et Ian vers le site de la coquille, dont le déroulement est marqué par un effacement progressif des traces de la civilisation humaine. Quittant d’abord de nuit une métropole dont les éclairages percent à travers l’obscurité, les protagonistes atteignent finalement un site verdoyant où tout indice de présence humaine a disparu. La dernière trace de civilisation à accompagner leur périple est une simple route qui traverse les champs aux abords du site, sur laquelle se tient un embouteillage monstre dû à un barrage de police, installé là pour empêcher les citoyens de se rendre aux abords du vaisseau. Alors, la frontière qui sépare les Hommes de la nature est redoublée. D’abord temporellement, puisque le passage de la nuit au petit matin accompagne le voyage de Ian et Louise ; mais aussi physiquement, par la barrière métallique présente tout autour du site, ainsi que par une couche épaisse de brouillard survolée par Ian et Louise.

Une invasion humaine

Au-delà du barrage, la route se perd dans la brume. Cette  disparition marque un effacement final de la domestication humaine sur l’environnement naturel, qui oblige les protagonistes à se rendre aux abords du vaisseau par la voie des airs. Si l’on ne voit jamais les heptapodes atterrir sur Terre, les humains semblent eux en revanche bien venir du ciel. Alors qu’ils s’approchent du barrage de police, Louise aperçoit en bas une ferme dont le toit est marqué du mot « WELCOME », comme si le message lui était adressé à elle et non pas aux aliens. De plus, l’arrivée par les airs est montrée comme une invasion extra-terrestre, avec la succession chorégraphique des hélicoptères dans le ciel et les rondes des avions de chasse qui traversent rapidement le cadre, le tout au-dessus du camp militaire. Un camp qui semble d’ailleurs plus être pensé pour une conquête spatiale que pour l’exploration terrestre : on y trouve de nombreuses paraboles tournées vers la coquille, mais aussi des 4×4 décapotés se dirigeant vers l’OVNI, en une image qui rappelle beaucoup d’autres œuvres de science-fiction, comme le très récent Ad Astra (2019, James Gray) et sa séquence de convoi lunaire. Toute la mise en scène pousse ainsi bien à considérer les humains comme des extra-terrestres sur leur propre planète. D’une part car l’environnement naturel représente pour eux une forme d’altérité, mais aussi car un lien se tisse entre les agissements des personnages et ceux généralement attribués soit à la conquête spatiale, soit à l’arrivée d’aliens sur le sol terrien.

Une altérité relative

La coquille, pas si naturelle que ça

Cependant, cette frontière initialement bâtie ne demande qu’à être transgressée ; c’est tout l’enjeu de la suite du film. Dès le départ, certains indices disséminés çà et là préfigurent l’artificialité d’une telle barrière, à commencer par le vaisseau des heptapodes. Bien que ce dernier ait un aspect minéral franc, le tunnel creusé en son sein pour permettre aux protagonistes d’arriver à l’antichambre est d’emblée un motif artificiel, intégré au sein de cet espace a priori naturel. Le long couloir aux parois régulières fait en effet plus penser à une galerie de mine creusée en sous-sol par la main de l’Homme, qu’à un réseau karstique naturellement façonné par les éléments. D’autant plus que les humains y viennent en compagnie d’un oiseau enfermé dans une cage, son chant venant régulièrement perturber le silence de la bande son pour attester de la bonne constitution de l’air ambiant. Cette stratégie rappelle celle jadis utilisée par les mineurs, pour prévenir une asphyxie aux gaz.

Par ailleurs, la forme orthogonale aux angles légèrement arrondis du couloir fait écho aux hublots qui constituaient les seules sources d’éclairage des hélicoptères, empruntés par les protagonistes quelques séquences plus tôt. Cette similitude créé un étrange lien entre les véhicules des humains et ceux des heptapodes, annonçant d’emblée une porosité entre les deux espèces. De manière un peu similaire, l’antichambre s’apparente fortement à une salle de cinéma. En effet, l’espace lumineux et blanchâtre des heptapodes est séparé de celui beaucoup plus sombre des humains au moyen d’une cloison qui prend tout un pan de mur, bien plus haute que longue, tel le CinemaScope. L’antichambre reproduit alors dans sa construction un lieu on ne peut plus affilié à l’Homme, et reprend le motif de l’écran qui, comme on a déjà pu le voir, est omniprésent, de l’amphithéâtre de Louise au camp militaire.

Aller vers l’autre

Mais le rapprochement reste ténu, et il faudra attendre que Louise se défasse de sa combinaison pour qu’humains et environnement minéralogique commencent à renouer plus explicitement. C’est ce qui se produit lors de sa troisième séance avec les heptapodes, durant laquelle le personnage féminin comprend que pour avancer dans sa communication avec ces derniers, il lui faut d’abord se présenter en bonne et due forme. Louise se montre alors telle qu’elle est réellement derrière son déguisement, qu’elle retire. Or, le fait d’abandonner son équipement orange ne nuit pas pour autant à sa santé, et cette entrée en contact direct avec l’environnement de la coquille remet en cause l’idée d’une dangerosité potentielle du milieu naturel sur le corps humain.

D’ailleurs, alors que le plan de l’arrivée en hélicoptère de Louise et Ian traitait la coquille comme une menace potentielle, en la mettant au centre de tous les faits et gestes des personnages, son traitement est beaucoup plus nuancé après le premier contact initié par le protagoniste féminin. En témoigne une séquence de discussion se tenant au crépuscule entre la linguiste et le scientifique, face au vaisseau. Ici, le sujet est plus le début d’un rapprochement amoureux entre les personnages que la présence des heptapodes : la coquille s’efface dans la profondeur de champ derrière les interlocuteurs, au même titre que les montagnes qui l’entourent. C’est ainsi que le vaisseau, sans se fondre totalement dans l’environnement naturel, passe au second plan de la relation intime entre Louise et Ian, ce qui lui retire son aspect menaçant. La mise en scène agit alors comme si les personnages s’accoutumaient à ce nouvel environnement du Montana, remettant en cause l’hermétisme entre civilisation humaine et nature vierge. Et lorsque vers la fin du film, Louise pénètre finalement l’environnement même des heptapodes en outrepassant la frontière qui l’en séparait jusqu’alors, elle finit par faire corps avec l’environnement terrestre : ses cheveux flottent dans la brume qui l’entoure elle et ses deux hôtes, la jeune femme respire le même air que ces derniers. Si bien que lorsque Louise revient vers les siens, ses habits ne sont plus orange-fluo comme lors de son arrivée, mais d’un brun proche de la couleur de la boue du sentier qu’elle emprunte pour regagner le camp militaire, comme si le personnage était finalement fait de la même Terre dont semble émaner la coquille.

Contamination des espaces

C’est aussi à partir de cet instant que Louise comprend qu’elle peut voir dans l’avenir, et ses visions prémonitoires montrent de véritables répercussions de l’aspect minéral caractérisant la coquille, sur les lieux habités par les Hommes. Cela s’opère entre autres par le motif du rideau, quasi-systématiquement présent dans ces flashs forwards, de la maternité où accouche Louise au salon de sa maison. Un motif reproduisant assez fidèlement les figures verticales présentes sur les parois de l’antichambre de la coquille, que nous avons assimilées aux stratifications rocheuses et aux orgues basaltiques. Même chose pour l’écran, remplaçant le tableau dans l’amphithéâtre où Louise enseigne, et que l’on retrouve là encore dans le salon de la jeune femme. Sous la forme d’une baie vitrée, donnant sur un espace naturel plutôt dans des tons blancs, le motif contamine en effet la sphère privée de Louise en allant jusqu’à reprendre les figures des deux heptapodes, à travers un couple d’arbres positionnés symétriquement de l’autre côté de la fenêtre.

Alors, Arrival fait définitivement tomber la frontière initialement érigée entre êtres humains et environnement terrestre, comme l’avait déjà fait Descartes dans la philosophie, lorsqu’il remettait en cause la dichotomie formée par les concepts d’artificiel et de naturel. Tout comme Descartes, Denis Villeneuve nous invite donc à reconsidérer le rapport qu’entretiennent les Hommes avec l’environnement naturel, brisant petit à petit toutes les barrières séparant l’anthropologique et le terrestre, représenté ici par les heptapodes. D’abord étrangers sur leur propre planète, à l’inverse des visiteurs davantage « intra-terrestres » que venus d’ailleurs, les humains devront dialoguer avec cette altérité qu’ils se sont eux-mêmes créée en tentant de bâtir leur propre milieu de vie. Le traitement du motif tellurique participe donc à ce qui est tout l’enjeu d’Arrival : rétablir le dialogue avec l’autre, pour s’élever mutuellement.

À propos

Premier contact

Réalisateur
Denis Villeneuve
Durée
1 h 57 min
Date de sortie
10 novembre 2016
Genres
Drame, Science Fiction, Mystère
Résumé
Lorsque de mystérieux vaisseaux venus du fond de l’espace surgissent un peu partout sur Terre, une équipe d’experts est rassemblée sous la direction de la linguiste Louise Banks afin de tenter de comprendre leurs intentions. Face à l’énigme que constituent leur présence et leurs messages mystérieux, les réactions dans le monde sont extrêmes et l’humanité se retrouve bientôt au bord d’une guerre absolue. Louise Banks et son équipe n’ont que très peu de temps pour trouver des réponses. Pour les obtenir, la jeune femme va prendre un risque qui pourrait non seulement lui coûter la vie, mais détruire le genre humain…
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