H.L: [sourire] La question du genre ne s’est pas posée pour moi. En effet, le film traite d’un côté une histoire humaine et s’interroge sur le monde moderne. De l’autre, il suit un homme qui sort de prison, cherche sa famille et se rend compte que le monde où il vivait n’existe plus. Je voulais que le film soit inscrit dans le genre policier, et l’identifier comme étant une comédie dramatique reste, tout de même, une manière de le vendre.
H.L: Nous optons normalement pour le contre-jour afin de masquer quelque chose. Cependant là, j’ai fait ce choix esthétique pour révéler ; je voulais montrer que le personnage est incapable d’avoir une idée précise. Généralement, le contre-jour est employé pour couvrir les personnages de lumière. Dans C’est eux les chiens, nous sommes face à une silhouette qui n’a pas vu de lumière ou, plutôt, d’un corps non désiré qui a été « absorbé » par la lumière.
H.L: Tout à fait. D’ailleurs, j’ai essayé de filmer le monde comme s’il était en guerre. L’écriture du film a été basée sur cette sensation d’égarement. Nous nous sentons perturbés. Nous devenons vertigineux ; exactement comme le personnage, nous partageons avec lui son vertige. Je voulais montrer, surtout, la perte de repère historique et géographique du personnage.
H.L: C’est parce qu’il a été marqué par cet événement. C’est comme s’il était en période d’hivernation quand il était en prison, il a consommé ses propres souvenirs pour pouvoir survivre. Certes, il y a des informations qui lui reviennent de temps en temps. C’est comme une page d’un livre que l’on laisse vingt ans au soleil, à un moment donné le texte s’efface mais il y reste quand même quelques mots. Je travaille sur la mémoire de cette manière ; comme un organe qui refoule les choses, qui les transforme. Ainsi dans le film, on ne sait pas quand l’imagination commence et quand le souvenir finit.
H.L: Pour Starve your dog il y avait plus de monologue et dans C’est eux les chiens il y a, en effet, beaucoup de dialogue. C’est un dialogue de la vie quotidienne que je considère plutôt comme une musique de la population. Par ailleurs, l’omniprésence du dialogue témoigne en quelque sorte de l’incompétence des comédiens ; ils sont incapables de maîtriser leur rôle. Par conséquent, ils se cachent derrière le dialogue pour que le spectateur puisse comprendre ce qui peut nuire à l’écriture dramatique du film. Personnellement, ce qui m’importe le plus c’est de réussir à passer le message sans faire parler mon personnage, ou que ce dernier parle de quelque chose qui n’a rien à voir avec sa situation mais qui révèle, tout de même, un élément important.
H.L: Ce n’est pas une simple répétition quand il dit la phrase la deuxième fois ; c’est une affirmation. Pour un étranger, lorsqu’il lit le premier sous-titrage « je suis ministre » il comprend qu’il est question d’une personnalité importante, d’un ministre. Quand il dit « je suis ministre de l’intérieur » pour la deuxième fois, le spectateur marocain sait très bien de quel ministre il s’agit ; de la main droite de feu Hassan II. Pour le faire comprendre au spectateur étranger qui ne connait pas forcément Dris El Basri j’ai opté pour ce sous-titrage ; c’est pour affirmer qu’il est monstre de l’intérieur.
H.L: C’est exactement cet effet que je voulais transmettre dans ces plans-séquences. C’est pour montrer que, lui-même, joue dans une pièce de théâtre et trompe tout le monde.
H.L: C’est pour le faire connaître à notre génération vu que c’est une personne dont on ne parle plus, qui tombe dans l’oubli. En outre, il représente les années soixante-dix et quatre-vingt. C’était la deuxième personne qui avait plus de pouvoir au Maroc, après le roi. J’aurais pu faire un film sur le commissaire Mohamed Tabet ou le militaire Mahjoubi Aherdan, mais la personnalité de Dris el Basri est très différente. D’ailleurs, pour écrire ce personnage je me suis inspiré de Richard III de William Shakespeare. Je précise que Dris du film n’est pas un personnage ; c’est une idée, une époque représentant un peuple oppressé.
H.L: Je ne cherche pas vraiment à critiquer la politique du système marocain. Je me concentre sur les personnages, sur des éléments qui jouent un rôle important en politique. Il est certain que je mets le film dans un cadre historique tel que le Printemps arabe, mais, petit à petit, on oublie l’événement historique. Notre attention porte essentiellement sur le personnage. Ainsi, l’élément le plus important dans mes films est le personnage et/ou l’effet que la politique exerce sur lui.
H.L: Il n y a pas beaucoup de différence entre l’homme et l’animal. Le côté animalisé se révèle lorsqu’on a peur, on a faim… On retrouve en quelque sorte la loi de la jungle quand une personne pique le téléphone d’une femme dans la rue ; l’instinct animal finit toujours par regagner l’homme.
H.L: En effet le son est un moyen dramatique, le travailler me prend un temps énorme. En ce qui est de l’inspiration, je lis et j’écris en m’inspirant des livres mais dans mes films j’essaye de parler de mon propre vécu, des sujets relatifs à notre société.
H.L: C’est ma troupe de théâtre; on s’est choisis. C’est une question d’entente et de complicité. C’est vrai que les mêmes comédiens reviennent mais il y en a d’autres qui s’ajoutent. Mes comédiens sont des personnes qui ont du talent, qui aiment travailler. Je leur attribue, à chaque fois, un rôle complètement différent pour qu’ils s’exercent et se découvrent. Bien évidemment le succès d’un film dépend du jeu d’acteurs mais aussi de l’écriture textuelle et de la réalisation.
H.L: J’ai opté pour ce plan car on suit le personnage, on ignore sa destination. Je trouve que la meilleure façon de le montrer est de faire un plan de dos.
H.L: Je pense que la différence réside dans le langage cinématographique ; on peut être réaliste tout en ajoutant un peu d’onirisme voire du romantisme au film.
H.L: Dans notre société, un homme n’a pas le droit d’être homosexuel. Tarik ibn Ziyad est un symbole de l’homme arabe courageux et combattant. Dans mon film je parle de son opposé ; c’est l’antihéros. Tarik est misérable, soumis et traité comme un animal.
H.L: Il était prévu que le film soit en noir et blanc dès le début du projet. Lors du tournage, on se sert des couleurs car on filme notamment la matière que la couleur reflète. J’ai choisi spécialement des couleurs argentées puisque cela ressort en noir et blanc.
H.L: On a travaillé plusieurs fois Zoubir et moi. On développe ensemble notre méthode de travail. Je n’avais pas vraiment besoin d’un coach pour le diriger. Certes, il est enfant. Il aime jouer de temps en temps durant le tournage. Je chargeais une personne pour l’accompagner et surtout pour qu’elle révise avec lui son texte.
H.L: Je ne suis pas d’accord avec l’idée de faire des films parlant à tout le monde. Ce n’est pas en mélangeant plusieurs genres qu’on va faire plaisir aux fans de chaque genre. Ce qui compte pour moi c’est de prendre en considération l’intelligence du citoyen marocain et de faire un film en respectant les règles cinématographiques et pourquoi pas en les dépassant. On n’est plus dans les années soixante, on a besoin d’un nouveau cinéma.
H.L: Je suis contre la censure. Evidemment, on trouve souvent des problèmes lorsque le film aborde un sujet politique. Quand je fais des films télévisés, je prends en considération le fait qu’on ne peut pas montrer des femmes nues, des relations sexuelles, etc. Le cinéma c’est tout à fait autre chose ; on est adulte, on sait bien où on va et ce qu’on va regarder. La censure refuse les sujets qui font mal, qui dérangent par peur de déstabiliser le pays. Tout cela n’aide pas le cinéma à avancer ; c’est comme un malade qui refuse de se soigner, il ne guérira jamais.