À la recherche d’une mémoire…

Entretien avec Alina Marazzi autour du film Un’ ora sola ti vorrei

Lors des XXIème rencontres autour du film ethnographique « Corps en passage » (à Grenoble du 13 au 19 Novembre 2017) était présenté le film d’Alina Marazzi Un’ ora sola ti vorrei. Une découverte cinématographique qui m’amena à choisir ce film dans le cadre du corpus de mon mémoire ayant pour sujet la mémoire personnelle et le travail esthétique des archives dans Porto de mon enfance de Manoel de Oliveira, Appunti del passaggio de Maria Iorio et Raphaël Cuomo et dans Boulevard du crépuscule d’Edgardo Cozarinsky.

Alina Marazzi transmet avec Un’ ora sola ti vorrei l’histoire de sa mère dont découle indirectement une réflexion autour de la femme et du rapport avec la société. Un dialogue intime s’engage entre la voix off de la cinéaste incarnant sa mère et une facette cachée d’elle et les films de familles amateurs de son grand-père dévoilant des moments de bonheur. Tout est caché, enfoui, dissimulé derrière les images. Alina Marazzi redonne, grâce à ce film, un pouvoir aux mots, aux images et redonne à sa mère la parole après plus de trente ans…

Cet entretien a été réalisé le 7 Janvier 2018, par Skype, en anglais et retranscrit en français.

L’archive comme matière filmique
Quand on regarde votre travail, je pense particulièrement aux films Tutto parla di te en 2012, Vogliamo anche le rose en 2007 et bien sûr Un’ ora sola ti vorrei en 2002, le travail autour de l’archive comme matière, sujet et support est important. Je dirai même qu’elle est au centre de votre pratique filmique et artistique. Comment est venu cet intérêt pour les archives ?

Alina Marazzi : Oui, mon intérêt à travailler avec des séquences d’archives dans mes films vient, en effet, du travail que j’ai fait autour de Un’ ora sola ti vorrei. Même si, avant cela, je travaillais déjà avec ce matériaux dans mes travaux passés lorsque je dirigeais des documentaires. Bien sûre, Un’ ora sola ti vorrei est mon premier véritable film personnel mais mon intérêt pour les archives existait auparavant. Dans les années 90, j’utilisais déjà les séquences d’archives : de films en Super 8 ou de cassettes. J’ai toujours aimé mixer différents médias ensemble… Et j’ai découvert ces incroyables images en Super 8 tournées par mon grand-père et je les ai visionnées durant plusieurs années, puis je me suis décidée à faire un montage et c’est ainsi qu’a débuté le travail autour de Un’ ora sola ti vorrei. Et c’était un travail incroyable autour des archives ! Après cela, j’étais vraiment passionnée à l’idée de travail avec des archives à nouveau et c’est ainsi que j’ai réalisé Vogliamo anche le rose. Et ensuite, il y a toujours eu en moi cette curiosité et cet intérêt pour les archives produites, dans le passé, par d’autres personnes et j’avais cette envie de re-contextualiser des images et notamment celles où apparaissaient des figures féminines. Cela apparaît donc assez souvent tout au long de ma filmographie mais bien sûr, la pratique de l’archive dans Un’ ora sola ti vorrei est devenue le point de départ de ma pratique de l’archive dans les films qui suivirent.

Histoire personnelle/Histoire universelle
Que signifie le titre de votre film Un’ ora sola ti vorrei ? Traduit en français : « Juste une heure toi et moi ». Le « toi et moi » fait certainement référence à votre mère… Mais pourquoi « Une heure » ?

A.M. : C’est le titre d’une chanson. Plus précisément, c’est une référence à une chanson populaire des années soixante, enfin, c’est en réalité une chanson des années trente. Et c’est la chanson que ma mère est en train de chanter, enregistrée sur un vinyle, au début du film. Elle était donc très évocatrice, d’autant plus que les paroles de ce titre ont pour signification le souhait de passer une heure avec l’être aimé. À la fin j’ai donc pensé que le titre de la chanson était le titre parfait pour le film car le film dure une heure, environ, et il satisfait le désir de passer du temps avec l’être aimé.

Dans Un’ora sola ti vorrei on peut voir plusieurs formes d’images, par exemple : des vidéos de votre grand-père, des archives des dossiers sur votre mère lorsqu’elle était à l’hôpital et ses journaux intimes retranscrits par votre voix-off et utilisés aussi comme support dans le film. D’ailleurs, sur ces journaux intimes à un moment du film on peut voir que votre mère a inscrit dessus « Ne pas lire ». Pourtant vous avez fait le choix de les montrer et de faire un film avec. De ne pas respecter la volonté de votre mère. Pourquoi avoir fait ce choix ? Et surtout pourquoi avoir fait un plan sur le journal qui portait cette inscription ?

A.M. : En fait, il était très important de faire un plan sur la couverture de ce journal intime parce que c’est le journal d’une jeune femme d’une vingtaine d’année et je me suis dit : d’accord, c’est la phrase que tout le monde écrirait au début de son journal intime, et en même temps je pense que si cette personne écrit cette phrase c’est pour que quelqu’un, dans le futur, trouve ce journal et le lise et découvre alors qui est réellement cette personne, dans une forme de respect de l’intimité. Il y a une certaine ambivalence entre, d’un côté, ce cercle privé de l’écriture et de l’autre, le fait d’espérer que quelqu’un puisse trouver le journal et soudainement se mette à comprendre parfaitement la personne et réussit à voir et à révéler sa véritable identité, ce qu’elle est vraiment au fond d’elle et ce à travers le journal. Et moi, j’étais la fille de la personne qui a écrit cette phrase en question et je me suis autorisée à aller au-delà de la phrase, et cela ne concerne pas seulement l’écriture privée mais aussi les images d’elle et son histoire. J’ai donc fait le choix de montrer cette phrase, de faire un plan dessus. J’ai pris la décision et la responsabilité de parler de l’histoire que ce soit pour la rendre publique ou pour moi seulement. C’est pour cela que je pense qu’il était très important de montrer cette phrase dans le film, parce-que cela montre que je suis allée plus loin, que je ne me suis pas arrêtée à la surface. Et que je suis celle qui a le droit de le faire car je fais partie de l’histoire et aussi parce que je suis celle qui a trouvé le journal. Le journal a été écrit, puis laissé là, et garder pendant plus de trente ans ! Ainsi que toutes les lettres et ce qui allait avec. Donc tous ces écrits ont été gardés, en ordre, pour quelqu’un d’autre… qui le lirait, et cette personne bien sûr… c’est moi…

Votre film parle de l’histoire de votre mère qui était malade mais en même temps il parle aussi de la dépression chez toutes les femmes en général. Ou plutôt de la façon dont les femmes porteuses de cette maladie étaient perçues dans la société de l’époque. Voire même simplement de la place de la femme dans la société. A quel moment l’histoire personnelle de votre mère est devenue pour vous quelque chose de plus universel ? Comment vous ai venu l’envie de montrer ce film, de dévoiler votre histoire, celle de votre mère à des inconnus ? Etait-ce nécessaire selon-vous, comme une forme d’exutoire ?

A.M. : C’était un processus progressif. Quand j’ai commencé à faire le film, je travaillais seulement pour moi, c’était un processus privé et ce durant plusieurs années. Je regardais simplement toutes ces images, toute seule, et  puis, tout doucement, j’ai commencé à partager ça avec des amis et avec ma monteuse Ilaria Fraioli. Et puis, on a commencé à faire le montage et cela a pris beaucoup de temps, c’était encore dans un processus privé. Je n’ai jamais pensé que je le montrerai un jour à d’autres personnes, je le faisais pour moi.  Avec le temps je partageais de plus en plus ce travail avec d’autres amis et collègues, et ainsi, le projet commençait à devenir autre chose que juste l’histoire de ma mère, certains éléments ressortaient du film tel que la pression subit par la femme dans la société ou encore la condition féminine ! Les gens autour de moi m’encourageaient à travailler encore plus sur le film afin de le rendre, d’une certaine façon, plus « accessible ». Je continuais alors à travailler dessus mais le film restait encore, dans un sens, quelque chose d’intime. Et puis, une personne de mon cercle d’amis proches et de collègues m’a encouragé à envoyer le film à un festival. Le film fut donc envoyé au festival de Locarno et immédiatement ils voulaient que le film fasse parti de la compétition dans la catégorie « films documentaires en compétition ». À ce moment-là j’étais face à cette question… et je ne pouvais pas revenir en arrière car à cette étape du processus j’avais conscience que cette histoire était importante, qu’il fallait en parler et ne plus la garder pour moi. Et la preuve c’est qu’aujourd’hui, après plus de 15 ans, je suis toujours là en train de parler du film, [sourire] que ce soit avec toi ou avec quelqu’un d’autre. Et je sais que cela va durer encore longtemps car le film porte en lui des questions universelles que beaucoup de gens partagent. Et c’est pour cela qu’il est devenu public, pas parce que je le voulais, mais parce que quelque part le film a grandi et a gagné sa propre identité… en se séparant de moi.

Vous avez fait le choix, malgré une certaine portée universelle dans le propos, de parler uniquement de l’histoire de votre mère et non d’enquêter sur d’autres femmes dans d’autres lieux ayant la même maladie, est-ce parce qu’il était important pour vous que cela reste néanmoins l’histoire de votre mère avant tout ou est-ce par manque de temps, de désir ou de moyen ?

A.M. : Parce que ce film ne résulte pas d’un projet, c’était un besoin que j’avais de mieux connaître l’histoire de ma mère à travers les images et qui m’ont permis de plonger dans son histoire. Au début c’était juste un processus très privé et cela ne m’intéressait pas de faire un film à propos de ces films mais de faire un film à travers l’histoire d’une personne. Et tout ce qui l’entourait et faisait partie du processus n’est arrivé que plus tard pour moi. Et tandis que je travaillais sur le film et que je le partageais, j’ai réalisé que c’était une histoire commune. Pas seulement en rapport avec ce moment-là de l’histoire, cette époque mais avec le présent, avec aujourd’hui. Donc, quelque part, c’était une manière de parler de ces choses-là et de dévoiler tous ces tabous. Et c’est ainsi que le film a commencé, dans la perspective d’un film sur ma mère. C’est un portrait de ma mère… ce n’est pas… à propos de ce qui s’est passé et de pourquoi ça s’est passé. J’ai tenté de faire un portrait d’elle.

Le travail de l’archive filmique
Il est très intéressant de voir dans votre film une certaine « beauté » de l’image, je pense aux images amatrices tournées par votre grand-père, quelque chose de poétique et de magnifique, pour un sujet qui est quand même assez dur, « imparfait ». Est-ce que cette opposition vous a marqué et vous a semblé intéressante à exploiter ? Car il est évident selon moi que c’est cette opposition qui donne une certaine force à votre film.

A.M. : En fait, la beauté de ces images était quelque peu choquante pour moi au début, parce que je ne savais absolument pas que mon grand-père avait un tel talent. Et toutes ces personnes étaient tellement belles et ces images si incroyables ! C’était donc compliqué au début de traiter avec ces images qui étaient celles du passé de ma famille. J’ai eu du mal au début à surpasser cela. Et puis, bien sûr, découvrir l’histoire de ma mère était encore plus choquant et difficile car toutes ces vidéos de famille ne montraient que des moments de bonheur. Quelque part dans ces images il y avait quelque chose de caché… comme derrière un voile… et c’est en passant du temps dessus que les choses se sont révélées. Et grâce au montage notamment, en utilisant des ralentis, des arrêts sur images et en travaillant le son, j’ai pu remarquer qu’il y avait déjà des preuves de sa maladie : ses yeux… la façon dont elle regardait… Cela m’a donc fait énormément réfléchir sur l’innocence de ces images privées : les moments de bonheur, de santé, de beauté n’étaient qu’une simple surface. Mon grand-père avait été incapable d’aller au-delà de cette surface lisse et incapable de se rendre compte qu’il y avait quelque chose derrière cela. Le contraste entre les images et l’écrit est intéressant car l’écriture permettait à ma mère de donner la parole à son malaise. C’est donc ainsi qu’est construit le film, sur cette tension, une collision, entre ce que l’on voit et ce que l’on entend.

D’ailleurs par rapport à cette « beauté » de l’image, vous avez, il me semble, tenté d’injecter certaines interférences. Je pense par exemple à certains plans sur le visage de votre maman que vous avez ralenti, d’ailleurs l’image se bloque parfois, comme s’il y avait une sorte de « bug » dans l’image. Pourquoi ce choix ?

A.M. : En fait, beaucoup de ces plans sont très courts et rapides, j’ai donc ponctuellement utilisé des ralentis qui donnent plus de longueur aux gros plans pour que l’on puisse rencontrer, affronter son regard et le coup d’œil qu’elle donnait à la caméra. Si on ralentit l’image, on la stoppe et on prend ainsi le temps de la regarder dans les yeux et en répétant ces effets sur les images, on crée une sorte de boucle temporelle. Et d’une certaine manière le temps s’arrête, ou plutôt, son temps à elle devient circulaire comme le son d’un vinyle rayé, accordant ainsi plus de temps à elle et à son histoire.

Le rythme du film est très rapide, les plans s’enchaînent assez vite, il y a une énorme quantité d’images d’archives que ce soient des archives produites (les cartes postales), des rushs de votre grand-père, les lettres et journaux intimes de votre mère, le vinyle aussi sur lequel est enregistré un dialogue entre vos grands parents. Etait-ce difficile de faire un choix dans tout ce matériel qui était à votre disposition ? Car j’imagine qu’il devait y avoir encore plus d’archives ! N’y avait-il pas un désir de vouloir raconter le plus de choses possibles en peu de temps étant donné que vous découvriez l’histoire de votre mère en même temps que les nombreuses archives ?

A.M. : Je pense que j’ai surtout utilisé les images avec ma mère dessus dans les archives de mon grand-père. Bien sûr il y avait plein d’autres images : de mon oncle, de ma tante mais je ne me suis concentrée que sur celles de ma maman. Et comme j’étais fascinée par la beauté de ces images je poursuivais ce plaisir de travailler avec toutes ces belles images. C’était un véritable plaisir de me servir de ces incroyables images, qui avaient, quelque part, de si intenses et réelles histoires ! Et parfois, c’étaient les mots, les textes qui guidaient les images, d’autres fois c’étaient les images qui suggéraient d’utiliser telle phrase ou tel mot : un vrai dialogue se créait entre les images et les mots. Bien sûr, dans la seconde partie, on voit moins de films et plus d’images que j’ai prises moi-même comme l’arbre avec les oiseaux, les papillons ou les photographes. Ce changement est bien évidemment dû au fait qu’après qu’elle se soit mariée il y eu moins d’images de sa vie privée, et pendant la période à l’hôpital non plus car personne ne voulait aller à l’hôpital… [rire]… pour prendre des vidéos ! Donc, dans la seconde partie du film il y a plus de mots, de phrases, que d’images, il y a plus de travail autour des images que j’ai prises, que j’ai produites, et plus de recherches à propos du photographe. Il y a donc un décalage entre la première et la seconde partie qui crée un équilibre.

Le son : une archive sonore ?
Par rapport au son dans ce film on peut entendre des chants, à la fois italiens et allemands. Que représentent ces chants ? Je me permets de faire ici un lien avec l’utilisation des chants dans Porto de mon enfance de Manoel de Oliveira (2001) et dans le travail de Maria Iorio et Raphaël Cuomo, dans Appunti del passaggio (2014-2016) et Sudeuropa (2005-2007) par exemple. Lors de l’entretien avec Maria et Raphaël j’ai abordé avec eux cette question du son, et surtout des chants, qui pour moi relève d’une forme de mémoire orale très personnelle et qui devient une sorte d’archive sonore importante, c’est aussi d’ailleurs le cas dans Porto de mon enfance avec ce fado interprété par sa femme en voix-off. Une fois le temps passé on se souvient pas forcément en détails de certains souvenirs mais c’est souvent le son qui nous revient : des comptines, des paroles, des chansons. Et cette forme de souvenir, d’archive sonore, reste dans notre esprit et peut-être difficilement mis en image comme pour des photos ou des archives filmées. Est-ce que ces chants représentent selon vous une forme d’archive sonore ?

A.M. : Oui, en fait, étant donné que je travaillais avec des matériaux filmiques de l’ordre du privé, il y avait beaucoup de références au monde de l’imagerie des contes de fées, de l’enfance, des berceuses et des chansons. Il y a une chanson au début du film et d’une certaine façon j’avais envie d’évoquer des références aux contes de fées Nordiques, contenus dans l’imagerie de mon grand-père. Et c’est pour cela que je chante cette chanson allemande qui est en fait une chanson connue relatant l’histoire d’un petit garçon nommé Hans qui quitte son foyer et qui se promène dans le monde entier comme dans un conte de fées. Et dans la plus part des contes de fées quelque chose de mauvais arrive. Et c’est pour cela que j’ai choisi de chanter cette chanson, par rapport, justement, à cette référence culturelle. Les autres bandes sonores, excepté la musique et les sons in, c’est ma voix que l’on entend et ça crée ainsi une sorte d’ambiance familiale. Et, étant donné que c’est une personne qui raconte l’histoire d’une autre personne, ma voix permet de rester dans le domaine privé. Et c’est aussi pour cela que je chante la petite chanson du début.

Par rapport à votre voix justement, vous utilisez une voix off (comme le fait aussi Manoel de Oliveira ainsi que Maria Iorio et Raphaël Cuomo). Cette voix off c’est la vôtre prenant le rôle de votre mère, ce qui est très touchant et fort. Je me disais que c’était une forme de réincarnation de votre mère, tout comme le fait Maria Iorio en incarnant les témoignages des personnes qu’ils ont rencontré, bien sûr pour eux c’est une façon aussi de protéger les personnes qui ont témoigné. Pourquoi avoir fait le choix « d’incarner » si je peux dire, votre mère ? Plutôt que de parler de vos souvenirs, bien que fragiles, de cette époque ou de faire témoigner d’autres personnes ?

A.M. : C’est parce que je voulais faire un portrait d’elle donc je voulais lui donner de l’espace et de la voix. Il s’agissait vraiment d’un processus pour apprendre à connaître quelqu’un à travers l’écriture et les images. Tout le film, pour moi, est un hommage à elle, donc tout l’espace du film devait lui être dédié à elle et pas à moi. Et je suis là, quelque part, dans l’image parce que je suis la personne qui regarde les images, qui lit ce qui a été écrit. Je trouvais cela intéressant d’apprendre à la connaître, d’essayer de comprendre ce qui se passait dans son esprit, dans son cœur. Pas forcément en parlant de ce dont je me souviens, car en fait la seule chose dont je me souviens c’est que j’étais toute petite. Dans un sens, les images du film représentent ma mémoire, c’est la raison pour laquelle il était temps, selon moi, après 30 ans, qu’elle soit entendue et écoutée comme elle le mérite.

Le motif du corps féminin…
Est-ce votre mère qui a déclenché ce motif du corps de la femme dans vos films qui ont suivi ? Car le corps de la femme, de votre mère, presque fantasmagorique, est très présent dans Un’ ora sola ti vorrei.

A.M. : Oui, c’est vrai que son visage, son corps, sont très présents de par la nature du film : un film de famille où la proximité et l’aspect tangible des corps sont très présents. Ces images sont très tactiles grâce au grain du film, à la proximité des plans et à leur couleur. C’est pour cela que son corps et son visage se rapprochent énormément et c’est aussi le cas dans les autres films. Je voulais me concentrer sur la représentation des corps et des visages des femmes, car d’abord en tant que femme je m’identifie forcément à ces corps et surtout qu’en tant que femme cinéaste je ne pouvais éviter toutes ces questions autour de la représentation du corps féminin dans les films. Il y a une chose que l’on retrouve, je pense, tout au long de mon travail c’est le fait que je produis des alternatives à tout cette imagerie collective sur les corps féminin, les visages et les sentiments, à l’écran.

Entretien réalisé avec Alina Marazzi le 07 Janvier 2018 par Skype en anglais avec une traduction personnelle en français.